Diagonale des Fous 2025 : le mythe du Grand Raid de La Réunion

C’EST PLUS QU’UN HONNEUR, C’EST UNE CICATRICE 

Écrire sur la Diagonale, c'est pas juste aligner des mots. C'est replonger dans quelque chose qui te dépasse, qui te transforme. Moi, j'ai eu cette chance folle de la vivre deux fois. La première, c'était mon baptême du feu — mon tout premier ultra. Un pari que certains qualifieraient de totalement barré. Mais je voulais ce rite initiatique, cette traversée qui te force à creuser jusqu'au tréfonds de toi-même.
Tu ne ressors pas intact de la Diagonale. Impossible. L'île te marque au fer rouge, elle imprime en toi un mélange de souffrance et de beauté tellement intense que tu ne l'oublies jamais. Et chaque année, quand octobre arrive et que les frontales scintillent au départ de Saint-Pierre, cette flamme se rallume quelque part au fond de moi. 

LE GRAND RAID, LA LEGENDE VIVANTE 

Pour ceux qui débarquent dans l'univers du trail, le Grand Raid de La Réunion, c'est pas juste une course. C'est LA course. Et sa reine absolue, c'est la Diagonale des Fous.
175 kilomètres. 10 500 mètres de dénivelé positif.
Ces chiffres te disent rien ? Laisse-moi te mettre dans l'ambiance. Imagine traverser une île volcanique, de nuit, en passant par des cirques qui ressemblent à des cathédrales naturelles. Tu vas gravir, dévaler, ramper, souffrir dans des paysages qui te coupent le souffle — quand il t'en reste encore un.
Le parcours relie Saint-Pierre au sud à Saint-Denis au nord, en passant par trois cirques mythiques : Cilaos, Mafate, Salazie. Pour les trailers du monde entier, ces noms sonnent comme des pèlerinages, des temples qu'on vient honorer avec ses jambes et son mental. 

LE PARCOURS : 175 BORNES DE PURE FOLIE 

Voila ce qui attend ceux qui s’y aventurent …
Le départ, c'est la nuit. Frontale sur le crâne, la foule qui vibre autour de toi, l'excitation qui pulse. Et dès les premiers kilomètres, la pente te gifle direct vers le Piton Textor. Le coeur s'emballe, les mollets brûlent, et tu réalises que ce n'est que le début.
Puis arrive Cilaos. La première claque. Visuelle, mais surtout mentale. Tu te dis "WHAOU c'est magnifique" en même temps que "comment je vais tenir encore 130 bornes ?".
Ensuite, Mafate. Le cirque sans route, l'inaccessible, là où tout se joue. Les montées te cassent, les descentes te brisent, mais paradoxalement, l'âme s'allège. C'est mystique, ce cirque. Il te parle.
Au Maïdo, tu captes une vue grandiose. Un instant suspendu dans le chaos. Tu te régales... avant que les jambes te rappellent qu'il reste encore du boulot.
Les descentes qui suivent sont terribles : Possession, Sentier Kalla — tes quadriceps hurlent à chaque pas. Le Chemin des Anglais et ses pierres irrégulières deviennent un vrai supplice pour les chevilles.
Et puis, le Colorado. Là, tu sais que c'est bientôt fini. Les cuisses explosent, les émotions montent. Au détour d'un virage, tu entends la ferveur de La Redoute. Le stade. La ligne. L'aboutissement.
Tu franchis cette ligne mythique, épuisé, bouleversé, transcendé. C'est fini. C'est fait. Tu viens d'écrire ta page dans la légende des fous.
Le fameux tee-shirt finisher que tout le monde doit au moins enfilé après la ligne d’arrivée l’atteste en gros : TU AS SURVECU ! 

BAPTISTE CHASSAGNE : UNE VICTOIRE TOUT EN MAITRISE 

Cette année, un nom s'est imposé avec une classe folle : Baptiste Chassagne.
Le gars débarque pour sa première Diag', et il repart avec la victoire. En 23h31'54, il a dominé du début à la fin.
Mais c'est pas une domination arrogante, non. Dès le premier kilomètre, il a compris que cette course allait devenir "une course de coeur". Il a écouté l'île, respecté le terrain, géré son effort avec une intelligence tactique rare.
À Mafate, il était concentré, le regard clair. Au Maïdo, il passe en tête sans surjouer. Et quand il dévale les derniers sentiers vers Saint-Denis, tout le monde sait déjà : la victoire est pour lui. "Je ne pensais pas que j'avais ça en moi", avoue-t-il à l'arrivée, ému.
"Je suis plutôt cérébral, et là je me suis dit : arrête de réfléchir et deviens un fou. Et ça a marché !"
Pas de geste théâtral à la ligne. Pas de cri. Juste un sourire fatigué, sincère. Celui d'un mec qui a compris un truc essentiel : on ne gagne pas la Diagonale contre elle, on la gagne avec elle. 

FACT : LA LECON DU CHAMPION 

Ce que Chassagne nous rappelle à tous, c'est que le trail n'est pas une histoire de puissance brute. C'est une histoire de patience, de régularité, d'humilité.
Il n'a pas cherché à briller, il a cherché à durer. Et sur un ultra, c'est souvent la plus belle des victoires.
Sa gestion de course, sa lucidité, son respect du terrain et des gens... tout ça, ça compte. Parce qu'ici, à La Réunion, le terrain ne pardonne pas l'arrogance. L'île te remet à ta place, toujours. 

BLANDINE L’HIRONDEL : REINE DE L’INTENSITÉ 

Côté féminin, Blandine L'Hirondel a encore prouvé qu'elle était une classe au-dessus. Double championne du monde de trail, elle est arrivée en 27h26'09, décrochant la 8ème place au scratch.
Ouais, tu as bien lu. 8ème au général !
Dès les premiers kilomètres, elle s'installe dans le top 10, sans emballement, sans panique. Juste une course posée, intelligente, d'une régularité déconcertante. Elle connaît le terrain, elle connaît les pièges.
Et quand elle franchit la ligne à La Redoute à 1h26 du matin, le public se lève. Une ovation. Parce qu'elle n'a pas seulement gagné, elle a illuminé la course.
"J'ai découvert le trail ici et ma vie a changé ici", confie-t-elle à l'arrivée, visiblement émue. "Les encouragements tout au long de la course étaient dingues, et c'est ça que j'aime à La Réunion : on encourage autant le premier que le dernier".
Son sourire, malgré la fatigue, symbolise parfaitement ce que représente la Diagonale : la joie dans la douleur, la beauté dans l'effort. 

PLUS QU’UNE COURSE, UNE EXPERIENCE DE VIE

La Diagonale, c'est pas juste franchir une ligne d'arrivée. C'est un cheminement, une transformation.
Elle t'apprend que :
- La régularité vaut mieux que la force brute
- L'humilité protège mieux que la confiance aveugle
- La douleur n'est pas l'ennemi, c'est le langage du dépassement
- Et que, quoi qu'il arrive, le plaisir doit survivre à la souffrance
Sur cette île, chaque pas est une leçon. Chaque montée te rappelle que le corps a ses limites, mais que l'esprit, lui, n'en a pas — ou presque. 

LA FOLIE RAISONNÉE 

Si tu aimes l'ultra, si un jour tu veux savoir ce que c'est que se sentir vraiment vivant, viens à La Réunion en octobre.
Ressens la ferveur des habitants qui descendent sur les sentiers pour t'encourager, même à 3h du mat'. Ressens la moiteur de l'air, la magie du cirque de Mafate avec son côté mystique qui te file des frissons. Ressens cette énergie unique qui fait de cette course un mythe vivant.
La Diagonale des Fous, c'est un mythe, oui. Mais c'est surtout une promesse : celle de te perdre pour mieux te retrouver.
Cette année, Baptiste Chassagne et Blandine L'Hirondel ont écrit leur chapitre en élite.
Mais des centaines d'amateurs ont aussi réussi le pari fou de passer cette ligne d'arrivée au stade de La Redoute à Saint-Denis. Chacun a écrit sa légende, à sa façon.
Parce qu’ici, on ne court pas pour fuir. On court pour sentir, pour vivre, pour exister. 

L’ile intense attend les prochains fous. Peut-être toi. 

Tu sens cette flamme qui s'allume en toi ? C'est normal. La Diagonale a cet effet-là. Si tu commences à rêver de la vivre, c'est le moment de checker ton matos, de te préparer sérieusement. Parce que l'île ne pardonne pas l’impréparation.

Mais elle récompense la PASSION ! 

Article écrit par Mehdi, rédacteur et trailer, deux fois finisher de la Diagonale des Fous